LES RIDEAUX DÉFENSIFS EN 1914

<= L'armée française de l'été 14


Les ceintures de places fortes ne sont pas des buts mais des moyens d'aider les armées en campagne. En 1914 les fortifications des rideaux défensifs devaient servir principalement de ligne de couverture pour pouvoir assurer la sécurité de la mobilisation, et ainsi laisser le temps et la liberté au pays de concentrer ses armées et les amener aux frontières pour le premier choc. Bien entendu elles avaient aussi pour rôle de servir de points d'appui aux premières opérations, de servir de ligne de repli en cas d'échec, et à canaliser l'invasion.

Frontière Nord: On chercha le lieu d'une invasion probabale entre Dunkerke et Longwy en cas de violation de la neutralité belge et luxembourgeoise, et on pensa à la région baignée par la Meuse et la Sambre et qui conduit à Paris par la vallée de l'Oise. Plus au nord les allemands s'éloignaient de leur base d'opérations et plus au sud ils tombaient dans le massif difficilement praticable des Ardennes.

La région fortifiée s'appuie donc à droite sur la Sambre et à gauche sur l'Escault et la Scarpe. Les forts et la place de Maubeuge protégent et battent les écluses des rivières (Forts de Maulde et de Flines) et voies de communications importantes (place de Maubeuge, place de Condé, fort de Curgies). Des obstacles naturels comme les rivières, forêts, marécages, augmentaient la valeur du rideau.

Au nord et au sud de ce rideau on s'efforça de diminuer l'espace accessible et de barrer les voies de communications. 

Ainsi on conserva au nord l'ancienne région maritime de Vauban renforcée par les places de Dunkerke, bergues, Calais, Gravelines. Lille fut entourée d'une ceinture de forts détachés. 

Au sud on conserva la citadelle de Givet (fort de Charlemont) qui tenait la Meuse et le chemin de fer de Mézières à Namur, et on construisit le fort d'arrêt d'Hirson pour maitriser le noeud important de voies ferrées. Plus à l'est la Meuse et la Chiers bordent la frontière et les obstacles naturels augmentent d'importance. Le fort des Ayvelles protége l'importante bifurcation de Mohon, tandis que pour maitriser des voies pénétrantes d'importance secondaire on conserva les places de Montmédy et de Longwy. 

Des points d'appui de seconde ligne ont aussi été établis, mais seuls les points d'appui des ailes ont été organisés dés le temps de paix: La Fére, Laon, Reims. 

Le général Séré-de-Rivières aurait voulu fortifier nettement plus la frontières nord, et notamment établir un deuxième rideaux défensif en arrière des espaces laissés vides par la première ligne de manière à arrêter la marche de l'ennemi et permettre à nos troupes de  se réorganiser en cas d'insuccés. On lui refusa les crédits et de nombreuses places du nord furent progressivement déclassées au profit des rideaux défensifs du nord est, entre Verdun et Belfort. Cela montrait à l'ennemi la voie à suivre...


Frontière Nord-Est: Le traité de Francfort, en enlevant à la France la ligne du Rhin, Strasbourg et Metz, laissait la frontière ouverte de Longwy à Belfort sur 200 kilomètres. On se résolut d'établir un rideau défensif sur la Meuse avec Verdun et Toul comme appui d'aile, et sur la Moselle avec Epinal et Belfort comme places principales. 

Entre ces deux rideaux se trouvait la trouée de Charmes, dont la défense était facilitée par la  nature boisée de la région, ainsi que par les lignes successives de la Meurthe, de la Mortagne, de la Moselle et du Madon. En avant de la trouée, la voie ferrée pénétrante Strasbourg-Paris fut interdite par le fort de Manonviller.

Là aussi des points d'appui de seconde ligne sont établis, mais seuls les points d'appui des ailes ont été organisés dés le temps de paix: Langres, Dijon, Besançon.


Fortifications du Jura: Il s'agit ici de la frontière avec la Suisse. Le principal danger était qu'une armée italienne entre en ligne par la Suisse pour préter main forte à son allié sur le théatre principal des opérations. Or la Suisse avait nettement renforcé sa neutralité, politiquement mais aussi avec la création de fortifications le long de sa frontière avec l'Italie, et ce danger était considéré comme négligeable. La fortification de la frontière du Jura consiste donc en des forts d'arrêts destinés à maitriser les principales voies de communication et de pénétration. 


Fortifications de Paris: L'enceinte de 1841 et ses forts détachés sont conservés mais forment les points d'appui d'une ligne en arrière de la position principale, désormais formée par trois régions fortifiées autour de Paris: la région nord avec Cormeilles, Montmorency et Ecouen; la région est, à cheval sur la Marne; la région sud autour de Versailles. Aprés 1885, les forts de Paris n'ont été que peu modernisés, à l'instar de ceux des Alpes, et n'avaient donc qu'une valeur défensive assez faible.


Fortifications des Alpes: La détente avec l'Italie, pourtant membre de la triple alliance, a entraîné que les fortifications Séré-de-Rivières n'ont pas été modernisées. Le terrain peut facilement être défendu, et de plus en hiver les opérations militaires sont difficiles voire impossibles. Il est peu probable qu'une bataille décisive engageant le sort de la nation s'y joue, et c'est pour cela que le rôle de l'armée des alpes est uniquement de contenir une attaque italienne, les efforts devant se porter sur la frontière nord-est et nord. Les forts Séré-de-Rivières, non modernisés aprés 1885, serviront donc de forts d'arrêts. 


Soldats à la frontière avec l'Allemagne:



Sources: Cours de fortification - Ecole militaire de l'artillerie - 1912