LA GUERRE DES TRANCHÉES: LES NOUVELLES ARMES DE L'INFANTERIE

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Les grenades: Leur usage militaire est assez ancien, mais elles avaient disparu dans la guerre terrestre depuis longtemps. Ce n'est qu'au cours de la grande guerre qu'elles reprirent du service. Au début les français n'avaient que la grenade bracelet, même si d'autres types étaient alors à l'étude, et l'infanterie usait de pétards de mélinites pour effectuer des destructions d'obstacles (cf. Les moyens de destructions). Un premier moyen était de confectionner des pétards avec de vieilles boites de conserves où l'on introduit une charge de mélinite. Les différentes parties sont liées solidement et fixées sur une raquette en bois. Aprés amorçage du pétard, celui-ci est envoyé sur l'adversaire. Au début ces pétards étaient réalisés par des moyens de fortune, puis leur construction se complexifia.

Ci-dessous: C grenade bracelet; D pétard monté sur raquette; E pétard anglais; F pétards bricolés au front


Grenades raquettes:

Grenades raquettes

Pour augmenter l'efficacité des tirs de grenades, on songea rapidement a créer des appareils pour les lancer. On vit ainsi renaître une sorte d'arbalète, que les soldats appellaient sauterelle, où la grenade était placée sur une corde reliée à deux tiges flexibles, et dont la détente assurait la propulsion jusqu'à 80m. 


Avec la guerre des grenades de nouvelles conception virent le jour. Toutes sont fusantes, c'est à dire qu'elles éclatent quelques secondes aprés allumage. Les grenades offensives sont celles que l'on peut employer en terrain découvert sans que le grenadier soit atteint, c'est à dire dont la zone d'efficacité réelle ne dépasse pas 8-10m du point d'éclatement (effet meutrier limité au seul effet de l'explosion). Les grenades défensives sont celles qui sont dangereuses dans un rayon de plus de 100m, et qu'il faut tirer d'une position bien protégée des éclats de retours (effet meutrier lié à la projection d'éclats de fontes nombreux). Il existe aussi pour des effets spéciaux des grenades suffocantes, fumigènes, incendiaires. 

Dans l'offensive la grenade permet d'atteindre le défenseur abrité qui a échappé au bombardement. C'est un engin d'attaque et de nettoyage de tranchées. Dans la défensive elle permet de réaliser un excellent barrage à courte distance, et de couvrir les organes essentiels de la défense (mitrailleuses, PC, etc.).

Au cours de la guerre on forma des fantassins spéciaux, les grenadiers-voltigeurs, dont le rôle était l'utilisation des grenades. Elles étaient transportées dans des musettes porte-grenades. Les grenades à main pouvaient être tirées à 25-40m avec un écart de 2-3m et une cadence de tir d'une dizaine de grenades à la minute. Les grenades à fusil pouvaient être tirées entre 30 et 180m. 

Allumeurs: il en existait trois type:

  • Bouchon allumeur métallique à percussion: grenade AB1916 et grenade incendiaire à main 1916. Aprés avoir enlevé la coiffe de protection, on frappe la grenade d'un coup sec sur un objet dur. L'amorce s'enflamme contre le rugueux, met feu à la mèche lente qui actionnera le détonateur.
  • Bouchon allumeur à percussion: grenade Citron-Foug
  • Bouchon allumeur automatique modèle 1916B: tous les autres types de grenades. Un ressort de percussion intérieur en forme de pincette percute simultanément deux amorces lorsqu'il est libéré par le déplacement d'un verrou. Celui-ci est libéré dabord par la goupille à anneau, puis par la main qui étreint le levier et la grenade.

Grenade offensive fusante OF: Elle sert lors d'assauts de terrains plats et découverts. 

L'enveloppe est ovoïde en fer blanc de 0,3mm d'épaisseur, peinte en gris bleu-clair et remplie de 150g de cheddite. Le poids total est de 250g. Elle utilise le bouchon allumeur automatique modèle 1916B, commun à toutes les grenades sauf le type CF. Un ressort de percussion intérieur en forme de pince percute simultanèment deux amorces lorsqu'il est libéré par le déplacement d'un verrou. Celui-ci se déplace automatiquement en soulevant le levier de déclenchement (aprés avoir enlevé la goupille de sécurité). Le tireur devait prendre la grenade de la main droite (à pleine main), enlever la goupille de sécurité (la grenade est alors armée), puis envoyer sa grenade. Il y a déclenchement dés que la grenade quitte la main (levier de déclenchement ouvert).


Grenade défensive fusante F1: Il s'agit d'une grenade de parapet. L'enveloppe est ovoïde en fonte avec sillons extérieurs de fragmentation et peinte en gris-bleu clair. La charge de cheddite est de 60g pour un poids total de 630g.

Grenade F1 avec allumeur métallique

Grenade F1 avec allumeur métallique

Grenade F1


Grenade défensive fusante Citron-Foug CF: Elle utilise un bouchon allumeur à percussion qui lui est spécifique. Aprés enlèvement de la coiffe de protection, on doit frapper la grenade d'un coup sec contre un objet dur. L'amorce s'enflamme contre le rugueux, ce qui met le feux à la mèche lente et détermine l'explosion quelques secondes plus tard


Grenade suffoccante modèle 1916: Corps ovoïde en fer blanc, muni d'un bouchon allumeur automatique modèle 1916B. La charge est de 200g d'un liquide spécial, pour un poids de 400g. Le seul explosif utilisé est un détonateur. L'engin est suffocant et lacrymogène, mais peu ou pas toxique. Il peut toutefois rendre intenable un espace clos. On devait faire attention à la direction du vent.


Grenade incendiaire et fumigène AB 1916: Grenade offensive fusante, avec corps sphérique en fer blanc et bouchon allumeur métallique à percussion. Elle projette des matières inflammables dans un rayon de 15 à 20m tout en produisant d'épaisses fumées. On a 500g de matières actives pour un poids total de 715g.

grenade incendiaire et fumigène 1916 AB


Grenade incendiaire et fumigène modèle 1916: Grenade offensive fusante, avec corps ovoïde en fer blanc, et peinte en gris bleu clair. Elle est chargée de 300g de matières actives pour un poids total de 550g. L'explosion de la grenade est obtenue par une charge de poudre noire introduite dans la gaine relais. Elle projette des morceaux de matières enflammées en dégageant une fumée opaque et créant autant de foyers d'incendie. Peinte en gris-bleu clair, elle a une zone d'action de 15 à 20m au point d'éclatement. 


Grenade incendiaire à main modèle 1916: Boite cylindrique en fer blanc chargé de calorite, avec bouchon allumeur à percussion. La charge de calorite est de 575g pour un poids total de 750g. Elle sert à incendier les matières inflammables et à détruire par le feu les objets métalliques (canons, moteurs...). On doit enlever la coiffe protectrice, et frapper le bouchon contre un corps dur, puis poser la grenade sur l'objet à incendier. Elle n'explose pas, mais le métal en fusion perce l'enveloppe de la grenade et s'écoule. Elle agit ainsi localement par la chaleur intense dégagée.


Etapes du lancement d'une grenade:

Etapes du lancement d'une grenade


Obus à fusil VB: Cet engin se lance grace au fusil d'infanterie (Lebel, modèle 1907/15 ou F.A.) coiffé d'un tromblon VB (Viven-Bessières). Le tromblon se porte au ceinturon dans un étui en cuir. 

Tactiquement l'obus VB prolonge l'action des grenades à main. Lors d'une attaque dans un combat local, lorsque l'artillerie ne peut intervenir, il supplée à celle-ci en bombardant avec précision les nids de résistance adverse. Il peut interdire la retraite de troupes ennemies attaquées à la grenade à main et aussi empêcher l'arrivée de renforts, etc. Dans la défensive il permet de créer des barrages infranchissables, d'effectuer des tirs d'usure, de harceler les adversaires et même parfois neutraliser les minenwerfer et granatenwerfer.

On peut tirer épaulé, mais le plus souvent on appui la crosse à terre. On devait ajuster le tromblon à fond sur la bouche du fusil, puis introduire l'obus VB à fond. On tirait ensuite la cartouche réglementaire. La balle passait par le tube central et frappait la palette qui mettait le feu à l'amorce (dans un tube latéral), tandis que les gaz brulés projetaient l'obus. L'efficacité de cet obus était trés semblable à celui des autres grenades, mais avait une portée trés supèrieure. 

  • Poids du tromblon: 1,5kg
  • Diamètre intérieur: 50mm
  • poids de l'obus: 475g
  • poids de l'explosif: 60g
  • durée de la combustion: huit secondes +/- une seconde
  • portée: voir tableau ci-dessous. l'échauffement graduel du fusil était accompagné d'une hausse de la portée (ci. 20m à 45°)
 

Le tromblon VB pouvait aussi lancer des fusées éclairantes ou à signaux, ainsi que des projectiles porte-message.

Lance message Brandt: On place le message dans une cavité. Un dispositif d'amorçage détermine la production d'une fumée jaune persistante indiquant le point de chute.

Lance-message Brandt

Porte message Brandt

Grenadier VB vers 1930

Grenadier VB aprés la guerre (ci.1930)


Fusil modèle 1907-1915: Il s'agit d'une extrapolation du mousqueton modèle 1890 et 1892 pour en faire un fusil d'infanterie. D'à peu prés les même poids et dimensions que le fusil Lebel, tirant la même cartouche et utilisant la même baïonnette, il différait de celui-ci essentiellement par la présence d'un chargeur de trois (modèle 1915) puis cinq cartouches avec boite de protection (modèle 1916) au lieu d'un magasin, ce qui rendait l'approvisionnement rapide et aisé. Ce fusil devint standard mais ne put remplacer le fusil lebel au cours de la guerre.

Fusil modèle 16:

Fusil modèle 16

Fusil modèle 1916 - mécanisme

Fusil modèle 1916 - chargeur


Mousqueton modèle 1892 modifié 1916: Le mousqueton armait avant guerre les artilleurs (modèle 1892 avec baïonnette) et les cavaliers (modèle 1890, sans baïonnette). La modification de 1916 permet d'utiliser des chargeurs de trois ou cinq cartouches, indifféremment. Pendant la guerre il arma aussi les grenadiers et les servants des canons de 37.

Mousqueton modèle 1916


Fusil automatique modèle 1917: des essais de fusil automatiques eurent lieu, résultant d'une transformation du fusil modèle 1886 Lebel, ce qui donna le fusil automatique modèle 1917. Le chargeur du Fusil automatique était à fond plat, et ne pouvait être confondu avec le chargeur du mousqueton mod. 1892 ou du fusil mod. 1907/15, à fond courbe. Cette solution ne fut pas généralisée.

Fusil automatique modèle 1917 culasse fermée et culasse ouverte:


Le fusil mitrailleur Chauchat: Il s'agit du premier fusil mitrailleur réglementaire français, fonctionnant par long recul du canon. On pouvait tirer en mitrailleuse, au coup par coup, ou mettre le F.M. en position de sûreté, suivant la position du levier de tir et de sûreté. Doté d'une extrême mobilité, trés efficace aux petites et moyennes distances (jusqu'à 600-700m), on pouvait aussi tirer en marchant.

Arme de crise, rapidement mis au point, il fut victime de nombreux ennuis mécaniques, mais permit aux français de reprendre la supériorité de feu d'infanterie sur leur adversaire allemand. Il a été par excellence l'arme d'accompagnement de l'infanterie, que ce soit pour les attaques ou la conservation du terrain acquis. Avant sa mise au point on était obligé de faire venir les mitrailleuses sur les points nouvellement conquis, ce qui se faisait assez lentement et rendait les positions vulnèrables. On le considérait comme l'avant-garde de la mitrailleuse qui devenait alors surtout une arme défensive.

  • Calibre: 8mm Lebel
  • Chargeur: de 20 cartouches, en demi lune
  • cadence: 240 coups/min
  • cadence pratique au coup par coup: 60 à 80 coups/min
  • cadence pratique en mitrailleuse: 140 coups/min
  • portée maximale: 2000m

Fusil mitrailleur Chauchat

Fusil mitrailleur Chauchat

Fusil mitrailleur Chauchat utilisé en tir contre avion

FM Chauchat servi par des soldats américains


PIstolet signaleur: De calibre 25 (pour l'infanterie) ou 35 (pour l'aviation), il permet d'envoyer des projectiles éclairants ou de signalisation

Pistolet signaleur de 25 modèle 1918

Pistolet signaleur de 25


Lance-Flammes: Ce sont des engins destinés à lancer des liquides inflammables. Ils étaient utilisés par les sections chargées du nettoyage et permettaient le nettoyage des terrains conquis, abris, îlots de résistance, etc. (cf. Page sur les lance-flammes)

Les nouvelles spécialités de l'infanterie: fusilier mitrailleur chauchat, grenadier fusilier - L'illustration 2 février 1918


Source: La science et la vie N°23 octobre-novembre 1915
Manuel du chef de section d'infanterie - Imprimerie Nationale - 1918
Manuel du gradé de cavalerie - Charles Lavauzelle - 1920
Manuel du gradé du génie - Charles Lavauzelle - 1941