LE MONDE INVISIBLE ET LA GUERRE

Comme à toutes les heures solennelles de l'Histoire, comme au temps de Jeanne d'Arc, le monde invisible est intervenu. Sous l'impulsion d'en haut, les forces profondes de la race, ces forces qui sommeillent en chacun de nous, se sont réveillées; elles sont entrées en mouvement et, dans une ardeur renaissante, elles ont fait reparaître au grand jour les vertus héroïques des siècles passés. Certes le général Joffre est un stratége de valeur, mais nous tenons de bonne source que ses meilleures inspirations, à son insu, viennent de l'au-delà. Notre nation, qu'on disait pourrie, condamnée à disparaître, a montré au monde étonné qu'une puissance irrésistible dormait en elle. Sous le fouet de l'épreuve et par une volonté supérieure, la France s'est réveillée. D'un élan superbe, résolue à tous les sacrifices, elle s'est dressée contre un envahisseur sans scrupule, ivre d'orgueuil, avide d'établir sur le monde sa domination brutale et barbare - Le spiritisme et la guerre - octobre 1914

Autrefois la guerre avait sa beauté tragique, sa grandeur. On luttait à découvert, le front haut, les drapeaux déployés. Aujourd'hui ce n'est plus que pièges, embûches, guet-apens. Partout, dans les oeuvres de la paix comme de la guerre, les Germains ont dénaturé, amoindri, ravalé tout ce qui fut grand. La traitrise, la perfidie, le mensonge sont leurs principes habituels. Les génies malfaisants, les noirs esprits de meurtre et de rapine, les reîtres et les lansquenets du moyen-âge sont avec eux, réincarnés dans leurs rangs, ou bien invisibles, participant à leurs combats. Leur triomphe serait l'asservissement de l'Europe, l'écrasement des faibles, la spoliation des vaincus. Ce serait un retour de l'humanité à la barbarie - Scènes de l'espace. Visions réelles de guerre et d'épopée - Janvier 1915

Les esprits illustres qui veillent sur nos lignes ont connu des luttes plus nobles, plus généreuses. Aussi, cette tactique, ces procédés les étonnent et les attristent [...] Voici que du haut de l'espace infini un nouvel Esprit a paru; à sa vue, tous s'agitent, tous s'emeuvent. Ce n'est pourtant qu'une femme, mais on front est ceint d'une auréole: l'entousiasme et la foi animent ses traits. dés qu'elle paraît, un frémissement passe sur ces légions d'invisibles; un nom vole de bouche en bouche: JEANNE D'ARC! C'est la fille de Dieu, la Vierge des batailles! Elle vient réveiller les énergies assoupies, les courages faiblissants - Scènes de l'espace. Visions réelles de guerre et d'épopée - Janvier 1915

Des conseils successifs s'assemblent au-dessus de nos lignes; ceux qui les composent portent des noms éclatants, dont la réunion synthétise toute la gloire des siècles, toute l'histoire de France! Henri IV y figure prés de Napoléon; Vercingétorix s'y rencontre avec les capitaines de Charles VII, les généraux de Louis XIV et ceux de la révolution, tous les héros de nos luttes d'autrefois et les libérateurs de la patrie. On y voit même plusieurs chefs anglais, car toute inimitié s'est éteinte et il n'y a plus chez tous ces Esprits qu'une même pensée et un même coeur - Scènes de l'espace. Visions réelles de guerre et d'épopée - Janvier 1915

Par la violence, par la terreur, l'Allemagne a voulu imposer au monde son affreuse culture, ces théories implacables du surhomme, dont Nietzsche s'est constitué le prophète et qui suppriment ce qu'il y a de plus noble, de plus poétique et de plus beau dans l'âme humaine, c'est à dire les qualités chevaleresques, et avec elles, la compassion, la pitié, la bonté. Au Dieu de l'évangile, que Jésus nous avait appris à aimer, les Allemands ont voulu substituer on ne sait quelle divinité, sombre et farouche, qui ressemble bien moins au dieu des chrétiens qu'à l'Odin scandinave dans son Walhalla taché de sang - Le mois de jeanne d'Arc - mai 1915

Si le Kaiser avait étudié, connu, pratiqué le monde invisible, il aurait pu voir, par anticipation, se dérouler devant lui, comme dans un tableau, le sort que lui réserve l'inexorable loi. Il aurait vu son âme, toute rouge du sang répandu, franchir le seuil redoutable de l'au-delà et surgir devant elle la foule immense des victimes de la guerre pour l'accuser, l'accabler, la maudire. En vain, elle tente de se dérober et de fuir; en vain elle cherche les lieux obscurs et solitaires : cette foule la poursuit partout et sans cesse de ses menaces et de ses fureurs. Et si, par exception, son esprit ténébreux découvre quelque refuge ténébreux et désolé, il s'y trouve face à face avec sa propre conscience, rendue plus impérieuse par le dégagement de la matière; et le remords le tenaille, le déchire! Des voix obsédantes lui répètent: Caïn, qu'as tu fait de ton frére?... - Responsabilités - avril 1917

La guerre présente est, par dessus tout, une guerre d'idées : elle aura pour l'avenir du monde des conséquences incalculables. C'est la lutte de l'esprit contre le matérialisme le plus violent, le plus cruel, la révolte de la conscience humaine contre l'autocratie militaire et tous ses excés. Depuis cinquante ans, son joug pesait sur le monde; à la moindre occasion, l'Allemagne menaçait ses voisins de sa lourde épée. L'Europe entière retentissait du bruit des armes; le sol tremblait sous la marche des longues colonnes de troupes, sous le pas cadencé des chevaux, sous le roulement des canons. Maintenant d'autre perspectives s'entr'ouvrent. Aprés cette guerre dévastatrice, le militarisme allemand étant tombé, il semble qu'une paix définitive puisse régner sur le monde ensanglanté - Autorité et liberté - août 1917