LE SERVICE MILITAIRE UNIVERSEL

Que pour tout le monde il soit entendu que quand en France un citoyen est né, il est né soldat - Léon Gambetta - 26 juin 1871

L'armée est la grande patronne qui nous baptise tous français - Paul Déroulède


<= L'armée française de l'été 14


La guerre franco-prusienne de 1870-71, où la prusse avait mis en place la première mobilisation moderne, avait montré l'avantage de mobiliser et d'équiper rapidement les troupes de réserves. La France, tirant les leçons de la guerre, va organiser la conscription universelle. Le conseil supèrieur de la Guerre, mis sur pied en 1872 par le général Cissey, va jouer un rôle capital dans la réorganisation de l'armée.

La conscription en métropole: La loi du 28 juillet 1872 institue le service militaire universel, remplaçant la garde mobile par une réserve constituée à partir des unités d'actives, et créant un corps d'officiers de réserve. La même loi crée l'armée territoriale formée des classes les plus agées, vouée à des missions de protection et de défense intérieure. La loi du 24 juillet 1873 définit l'organisation territoriale de l'armée en découpant la France en 18 régions de corps d'armée (l'Algèrie va bientôt constituer le 19° corps). La loi du 13 mars 1875 va fixer la composition des cadres et des effectifs de l'ensemble de l'armée (à noter que les effectifs ne feront qu'augmenter jusqu'en 1914), tout en confirmant la création d'un corps d'officiers de réserve. La formation des officiers d'active sera nettement améliorée par la création de l'école supèrieure de la guerre, en 1880, puis par celle du centre des hautes études militaires en 1910. Le statut des sous-officiers se voit lui aussi améliorer.

La conscription universelle et égalitaire mettra cependant trente ans à se mettre en place. La loi du 28 juillet 1872 conserve l'appel par tirage au sort; les bons numéros effectuent un an de service, les mauvais numèros cinq. Le système de remplacement est supprimé, en principe toute personne doit effectuer son service militaire, mais on doit noter de nombreux cas de non-accomplissement du service: les dispensés (orphelins, soutiens de famille) sont encore mobilisables, alors que les exemptés (enseignants et religieux) ne le sont pas. 

Les lois suivantes sont des aménagement visant à rendre le service militaire plus universel. C'était de plus une nécéssité, car il fallait créer les infrastructures pour accueillir des classes plus nombreuses. 

La loi du 15 juillet 1889 raméne le temps sous les drapeaux à trois ans, en supprimant les exemptions pour les écclésiastiques et les enseignants qui sont désormais tenus à un an de service (loi des "curés sac au dos"). La loi de 1895 va imposer un service d'un an aux dispensés pour raisons familiales. Enfin la loi du 21 mars 1905 établit le service universel et égalitaire pour tous d'une durée de deux ans. Le tirage au sort est enfin supprimé. La loi du 19 juillet 1913 rétablit le service de trois ans pour des questions de rééquilibrage avec l'armée allemande, qui vient d'augmenter sensiblement ses effectifs. Cette loi voit cependant le jour sous des débats houleux.


La conscription aux colonies: Les colonies ont un régime spécial. Dans l'armée d'Afrique, la conscription ne dure qu'un an suite à une loi particulière sur le recrutement du 20 novembre 1875, et concerne essentiellement les européens. La loi du 15 juillet 1889 prévoit d'incorporer les indigènes, mais ne devient effective qu'en 1913 lorsque les régiments de tirailleurs se multiplient. La coloniale est constituée d'engagés en grande majorité.
La vie des conscrits: Le conseil de révision jugeait de l'aptitude au service, et se déplaçait dans les différents cantons du département, à des dates fixées par arrêté préfectoral (au printemps). Les classes étaient constituées de jeunes gens ayant eu 19 ans révolus l'année précédente. Un médecin militaire les jugeait bon pour le service armé (70% des conscrits), bon pour le service auxilliaire (5%), ajourné (10%) ou exempté. Ainsi 85% d'une classe d'age portera l'uniforme. 

Aprés cet événement solennel (une étape dans la vie de chaque français), les conscrits (les classards) se regroupent autour d'un drapeau et se livrent ensuite à une fête animée, rituel respecté un peu partout. Le lendemain les conscrits se rendent avec tambours et clairons au cimetière ou au monument de 1870, afin d'honorer les héros de la guerre précédente, et y déposeront un drapeau qui restera en place jusqu'à ce que la classe suivante renouvelle le geste. Le dimanche d'aprés est organisé un bal où les jeunes filles de la classes sont invitées et même tenues de se rendre.

Au mois de septembre suivant les conscrits reçoivent leur feuille de route, et se rendent à leur régiment en octobre. Ils font alors leur classes (école du soldat, durant trois mois, elle dure six mois pour les cavaliers), puis celles-ci terminées les conscrits sont alors présentés au drapeau. Les bleus entrent alors pleinement dans la vie de militaire, dans les unités de combat ou de services.

Vie collective, l'essentiel se passe dans la caserne, avec chambrées, paquetage, armes au rateliers etc. L'hygiène est rigoureusement préchée et pratiquée. Le dimanche les conscrits bénéficient d'une permission de sortie en ville. L'armée étant de toute les cérémonies (prises d'armes, honneurs au drapeau, etc.), les conscrits y participent largement, notamment le 14 juillet, fête nationale depuis 1880. Le printemps est le temps des grandes marches, sacs au dos et armes à la bretelle. En septembre ont lieux les grandes manoeuvres. 

Au bout d'un an ils deviennent des anciens, et vont accueillir les bleus de la classe suivante. Encore un an, le conscrit rentre dans ses foyers, devenu un homme, et apportant le fameux certificat de bonne conduite prouvant à tous que le passage sous les drapeaux s'est bien déroulé. La plupart se font tirer le portrait en uniforme, souvenir inoubliable de leurs années de régiment. 

Revenu à la vie civile, il devra effectuer des périodes d'instructions de réserve (deux pour l'armée d'active, une pour la territoriale), avant d'être définitivement libéré de ses obligations militaires, vers 48 ans.


Apprentissage du salut:

Revue de détail:

Musiciens se préparant pour un concert:

Parade de garde:


Ce que mange un soldat en trois années de service - almanach du drapeau de l'année 1900

Ce que mange un soldat en trois ans


Serment des conscrits au monument militaire - Supplément illustré du petit journal dimanche 23 avril 1911:


Le départ du conscrit

Billet de tirage au sort

Sources:  L'armée française de l'été 1914 - Henri Ortholan ; Jean-Pierre Verney - Bernard Giovanangeli Editeur - 2004