L'AVIATION, DES DÉBUTS À LA BELLE ÉPOQUE À LA GRANDE GUERRE

Malheur aux nations qui n'ont pas compris que l'arme de l'avenir est l'arme aérienne - Clément Ader - 1910

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Les aérostats sont des engins volants plus légers que l’air et constituent l’aérostation. Les aérodynes sont les engins volants plus lourds que l’air et constituent l’aviation. Les seconds peuvent être des avions, des giravions (autogires ou hélicoptères), des ornithoptères (machines à ailes battantes), ou des planeurs. Si l’on excepte l’aérostation, plus ancienne, c’est au XIX° siècle que ces machines ont réellement été mises au point. Sémantiquement c’est le français Joseph Pline qui inventa le mot aéroplane en 1855, le mot aviation sortant quant à lui en 1863 sous la plume de Gabriel de La Landelle.


Les tout débuts :  C'est en 1782 que Joseph de Montgolfier s'aperçut en se réchauffant prés d'une cheminée que l'air chaud faisait s'élever et gonfler les pans de sa chemise. Un an plus tard, en 1783, Louis XVI émerveillé assiste à Versailles au premier envol de la montgolfière, avec à son bord deux volailles et un mouton, terrorisés. Ils montérent à 500 m d'altitude. La France se prit alors de passion pour cet engin qui permettait de prendre l'air, au risque de se rompre les os lors du retour... Bien plus tard les militaires se servirent de ballons captifs pour surveiller le champs de bataille.

"L'envolée" de la seconde moitié du XIX° siècle: Génie universellement connu, Louis Mouillard est né en 1834 à Lyon, et commença à étudier méthodiquement le vol des oiseaux en 1851. Ses études sont financées pas son père. A la mort de celui-ci il dut aller en Algèrie travailler dans une ferme que possédait son père, et en profitat pour continuer ses observations sur les oiseaux de la Mitidja encore sauvage. Essayant un engin à ailes battantes qui se brisa, il conçut un engin à ailes non battantes, qui fit un vol plané en 1865. malheureusement une épizootie détruit tout son bétail et le chercheur doit interrompre tout ses travaux et abandonner sa ferme.

C'est son ami Alphonse Daudet qui lui fait avoir une chaire de professeur de dessin au Caire. L'Egypte lui permit encore d'étudier de trés prés les oiseaux. Il publie L'empire de l'air en 1881, ouvrage au retentissement considèrable, qui souleva nombre de controverses et de multiples vocations. Louis Mouillard eut par la suite des relations trés suivies avec de nombreux scientifiques du monde entier. Il mourut en 1897, paralysé et misérable. Son second ouvrage, Le vol sans battements, est posthume. Louis Mouillard léguait pourtant à la postérité des bases reconnues par les plus grands, Clément Ader, les frères Wright...

Louis Mouillard:

Clément Ader est né en 1841. Trés tôt il s'intéresse au vol des oiseaux et les étudie de prés. Aprés avoir lu en 1881 L'empire de l'air, il part en Algèrie où il a l'occasion de faire ses meilleures observations, car ce pays est particulièrement bien doté pour le vol à voile, et les grands rapaces tiennent des heures sans un battement d'aile. 

Devenu ingénieur des chemins de fer, il dispose d'une volière dans son jardin, où il étudie la roussette des indes, une chauve souris de grande taille dont il connait par coeur l'anatomie. Lors de la guerre de 1870 il essaie de convaincre l'armée du bien  fondé de ses recherches. Celle-ci lui prête un terrains et des hangars au Polygone à Toulouse, mais l'armée se désintéresse vite de ses expériences de ballons dirigeables. Ader continue alors seul ses recherches.

En 1890 son Eole est enfin prêt. À cette époque c’est surtout un moteur adéquat qui fait défaut. Ader parvient à construire un moteur à vapeur assez puissant et léger. L'appareil fait six mètres de long pour quatorze d'envergure et ne pése que 200Kg.  Et Eole s’envole et franchit une cinquantaine de mètres. En 1897, l'expérience est renouvelée en présence des militaires. Ce fut un échec, l'avion bien qu'ayant décollé et volé sur 300m, se brisa à l'atterrissage. Les militaires ne donnèrent pas suite. Ader ne reçut les honneurs qu'à la fin de sa vie. 

Avion III, version améliorée d'Eole - Musée du Bourget:

La recherche va pourtant avancer trés vite. En décembre 1903, les frères Orville et Wilbur Wright réussissent plusieurs vols sur leur appareils, à Kitty Hawk. Puis l’année suivante, à Dayton, c’est le premier demi-cercle, puis le premier circuit fermé. En 1905 ils dépassent les 38 km…

Avion des frères Wright en 1905:

En Europe, les tentatives des frères Wright en Amérique étant quasiment inconnues (ils viendront plus tard en Europe relever les défis européens), des tentatives fructueuses réussissent : Alberto Santos-Dumont fait un premier vol en 1906. Henry Farman avec son Voisin réussit une boucle de 1km en 1908 ; puis il réalise un vol de 27 km en 20mn, la même année, en effectuant la liaison Bouy-Reims.

En 1909, Louis Blériot traverse la manche en 37mn sur un Blériot XI (événement de l’année !):

Arrivée du Blériot XI en Angleterre

Blériot XI - Musée du Bourget

Appareil Voisin - Musée du Bourget 

L’époque est à l’aviation et au meeting. Les choses s’accélèrent, l’aviation devient plus sûre, les records d’altitude sont battus les un après les autres (453m en 1909, 1000m puis 3000m en 1910, plus de 6000 en 1914), ainsi que ceux de vitesses. En 1910, c’est le péruvien Géo Chavez qui effectue la première traversée des alpes, malheureusement mortelle à l’atterrissage. En 1910 également, les premières expériences d’hydravions (Henri Fabre sur l’étang de Berre le 28 mars) et de décollage d’un navire (un Curtiss décolle du Birmingham, à Hampton Roads en Virginie le 14 novembre). En 1913, à un mois d’intervalle, le russe Nesterov et le français Pégoud réussissent à boucler la boucle (looping!).

Affiche pour un meeting aérien à Nice en 1910     Affiche meeting aérien à Milan en 1910

En 1913 Roland Garros traverse la méditerranée sur Maurane-Saulnier:


L’aéronautique militaire : La première utilisation militaire sur le terrain revient aux italiens : en 1911 le capitaine Carlo Piazza effectue une reconnaissance au dessus des lignes turques de Tripolitaine, puis procède quelque temps plus tard à des réglages de feux d’artillerie. Le lieutenant Gavotti lâche les premières bombes. Des tracts sont aussi lancés pour appeler les arabes à lâcher les turcs : la guerre psychologique prend une nouvelle tournure…

En France la première utilisation militaire de ces inventions relève du génie, dans le cadre des reconnaissances. Les premiers brevetés militaires sont des officiers du génie, puis de l’artillerie. En 1910, on prend les premières photographies aériennes, la nouvelle technique prend part aux grandes manœuvres. La même année ont lieu les premières expériences de tir et de bombardement aériens, ainsi que la première liaison radio air/sol. En 1912 une loi est votée qui crée officiellement l’aéronautique militaire.

En Allemagne et en France, les foules se passionnent, font des souscriptions pour équiper l’armée de matériels volants…Les frères Michelin créent même une compétition d’aéronautique militaire, l’Aéro-Cible (il s'agit de lancer 15 projectiles de 20kg dans un cercle de 10m de rayon à partir d'un avion volant à plus de 200m de haut). Les frères voisin pensent à l’avion canon blindé sur lequel ils montent un Hotchkiss, Prévost essaie une mitrailleuse sur le Deperdussin. Si la guerre éclate, les aviateurs sont prêts…


Situation en août 1914: L’aviation militaire est affectée au service du génie, et relève plutôt de missions de renseignements. Aucune doctrine, aucun plan précis n’est alors élaboré au sujet de la nouvelle arme. La France possède 158 appareils de 14 types différents. On peut voler à 100km/h et monter à 3000m (performances semblables chez les différents belligérants), l’armement est quasi inexistant (armes individuelles, quelques mitrailleuses, quelques bombes, et des flèchettes qu’on lance sur l’ennemi par paquet de 100) et la chasse n’existe pas. Pratiquement ce sont les aviateurs eux-mêmes qui montreront au cours de la guerre aux états-major ce dont ils étaient capables. La grande guerre fit faire des progrés considérables à la technique aéronautique.
Source: Que-sais-je n°172 Histoire de l'aviation - Edmond Petit - 1966
Le Vol à voile en Algèrie (1862-1962) - Charles Rudel - Pierre Jarrige - Auto éditions Pierre Jarrige
Photographies prises au musée de l'air au Bourget