LA COLOMBOPHILIE MILITAIRE

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C'est à la suite de la guerre de 1870 et l'expèrience du siège de Paris qu'est née la colombophilie militaire, dabord en Allemagne juste aprés la guerre, puis en France à partir de 1877. A partir de 1888 la plupart des forteresses françaises comptent un colombier dont dépends le service du gènie. L'organisation et le fonctionnement sont régis par une instruction de 1909.

Les colombiers civils constituent une réserve et la réquisition des volatiles est régie par une loi-décret de 1877. En 1885 leur déclaration et leur recensement devient obligatoire, cela non seulement pour le temps de guerre, mais aussi pour empêcher la création et l'entretien de colombiers clandestins sur le territoire national, car on craint qu'ils ne servent pour l'espionnage. Un décret de 1896 rend d'ailleurs obligatoire l'autorisation du préfet pour ouvrir un pigeonnier. 

Naturellement les autorités militaire encourgent la colombophilie civile, en organisant des concours et en finançant des récompenses. 

En 1914, seules la France et l'Allemagne ont un service de colombophilie developpée. 


La grande guerre: Á l'entrée en guerre les pigeons étaient équipés d'appareils photographiques à déclenchement automatique (inventés en 1903 par Jules Neubronner) pour reconnaître l'avancée des troupes ennemies. Ce procédé fut abandonnée quelques mois aprés, suite au développement de l'aéronautique militaire. Naturellement existait le procédé plus classique du tube d'aluminium accroché à la patte du pigeon et contenant des dépêches. Le pigeon était plus rarement doté de pochettes porte-message. 


Rapidement est créé un service de renseignement colombophile, puis les premiers colombiers mobiles, dabord automobiles puis hippomobiles pour éviter les inconvénients de l'entretien d'un moteur. Ils servent au ravitaillement du front en pigeons voyageurs. Les soldats colombophiles sont presque tous originaires du nord où ce sport est trés répandu dans le civil. Une fois le service parfaitement organisé, chaque armée disposa de dix à douze colombiers.

Les pigeonniers fixes des forteresses restent actifs et servent notamment à l'élevage des volatiles.

Dans les secteurs d'offensives, un cycliste vient chaque jour au colombier du corps d'armée pour ravitailler les tranchées en pigeons, à seule fin d'assurer le service de liaison. Le colombier représente ainsi un centre d'arrivée des dépêches de l'avant et une liaison directe avec le commandement de l'arrière. 


Du fait de sa grande facilité d'emploi, des services qu'elle pouvait rendre ainsi que de la défaillance régulière des autres modes de transmission, la colombophilie sera trés utilisée pendant la grande guerre. En effet les liaisons téléphoniques sont souvent interrompues dans les secteurs d'attaques, les signaux optiques sont souvent inefficaces, les estafettes circulent difficilement et apportent leurs renseignements souvent avec retard, voire pas du tout, tandis que les renseignements aériens sont inefficaces par mauvais temps. Seuls les pigeons voyageurs fonctionnent par toute circonstances, et il était même prouvé que 97% des pigeons voyageurs lachés pendant le bataille échappaient à la destruction et rejoignaient leur colombier. Ils seront même utilisés à bord des aéroplanes, qui pourront ainsi envoyer des renseignements écrits sans pour autant interrompre leur mission. Même les chars d'assauts seront ainsi équipés. (Avec le bruit des moteurs les radios étaient inutilisables). Vers la fin de la guerre tout un réseau serré de liaisons colombophiles sera en place. 

Dans les zones occupées, les autorités allemandes craignaient que la population n'utilise la colombophilie à des fins d'espionnage. Souvent la peine de mort fut appliquée à ceux qui avaient gardé des pigeons chez eux, même si c'était pour l'alimentation.

Lâcher de pigeons sur la ligne de feu:

Lâcher de pigeons sur la ligne de feu

Colombier militaire sur le front d'orient - L'image N°170 février 1918

Colombier militaire sur le front d'orient

Colombier militaire en 1918:

Colombier militaire en 1918


Le dernier messager du fort de Vaux: il fut envoyé par pigeon.

Communications coupées, oui, mais il me reste mes pigeons et mes signaux. J'envoie mon premier message par pigeon; j'y fait connaître la situation et rends hommage à la vaillance du capitaine Tabourot, mortellement blessé <...> 

Je rends compte de la situation par mon deuxième message par pigeon. <...>

C'est ce jour, à 11h30, que je fais partir mon dernier pigeon. Il a respiré les gazs méphitiques et il va mourir. Je prescris au colombophile d'élever sa cage au dessus de sa tête aussi haut qu'il le pourra et je me hâte de rédiger mon colombogramme. Il commence, comme les précédents, par ces mots qui expriment notre volonté de résistance: "Nous tenons toujours". Et j'ajoute: "Mais nous subissons en ce moment une attaque par les gaz et les fumées asphyxiantes trés dangereuse. Il y a urgence à nous dégager. Faites nous donner communication par optique avec Souville, qui ne répond pas à nos appels". Et enfin ces mots dans lesquels j'enferme un regret amer: "'C'est mon dernier pigeon". Le colombophile lu donne son envol. mais il régne autour du fort une atmosphère tellement épaisse de gaz, de fumées, de poussière, que le brave pigeon ne peut retrouver sa route. Il vient se poser à la meurtrière de mon PC. Le colombophile peut le reprendre et me l'apporte. Que faut il en faire, mon commandant! Mais il faut qu'il parte. Et, le lançant verticalement en l'air, j'ai la joie de le voir piquer son vol droit vers Verdun. Mon brave pigeon a utilisé ses derniers battements d'ailes pour parvenir au colombier militaire établi dans la citadelle de Verdun. - Le drame du fort de Vaux - Journal du commandant Raynal

Le pigeon Vaillant, laché du fort de Vaux le 4 juin 1916, parvint à délivrer son colombogramme. Il reçut la citation suivante:

Malgré des difficultés énormes résultant  d'une intense fumée et d'une émission abondante de gaz, a accompli la mission dont l'avait chargé le commandant Raynal. Unique moyen de communication du fort de Vaux, a transmis les derniers renseignements qui aient été reçus de cet officier. Fortement intoxiqué, est arrivé mourant au colombier. Diplôme de Bague d'honneur


Sources: La guerre des animaux 1914-1918 - Coll. - Artlys - 2007