BREF HISTORIQUE DE L'INFANTERIE

<= L'armée française de l'été 14

Remarque générale: Si l'uniforme est considéré comme essentiel dans la période moderne, il n'en allait pas de même dans les périodes précédentes, qui ont presque totalement ignoré l'uniforme, seul l'armement faisant l'objet d'une uniformisation.

Les anciens grecs: Une des premières formation régulière d'infanterie est la phalange grecque, composée de combattants lourdement armés nommés hoplites, disposés sur 8 à 16 rangées de 16 combattants. L'hoplite est armé d'une épée courte et large à double tranchant, ainsi que d'une longue lance à pique métallique d'à peu prés 2m de long. Ses équipements de défense sont un casque, une cuirasse de bronze, des jambières (cnémides) ainsi qu'un bouclier lourd (hoplon). La phalange manoeuvre sous les ordres d'officiers, les taxiarques. La bataille est dirigée par des stratèges.

Cela représente une masse hérissée de pics difficile à entamer mais aussi à mouvoir. Sur le front de la phalange et sur ses cotés se trouvent des fantassins légers armés de frondes et d'arcs, ainsi que la cavalerie.

Normalement l'infanterie légère attaque en premier pour lancer ses projectiles, pui se replie derrière les hoplites qui attaquent à leur tour, sous la protection de la cavalerie latérale (en gréce les chevaux étaient peu nombreux et donc la cavalerie peu conséquente).

Cette formation lourde se prète mieux à la défensive qu'à l'attaque, et lors de la conquête de la Grèce les légions romaines en auront facilement raison, en l'entraînant dans des terrains accidentés où elle perd sa cohésion et par suite sa force de résistance.

Hoplites en formation


Les romains: Les légions romaines ont un armement allégé et des formations de combat moins profondes que la phalange grecque, ce qui facilite leur manoeuvres. La légion romaine sous l'empire comprend environ 5000 hommes, répartis en 10 cohortes, la première de 800 hommes, les autres de 500. Chaque cohorte était divisée en six centuries de 80 hommes environ commandées par un centurion. Outre les légions les armées romaines comprenaient des unités auxilliaires, où l'on retrouve une infanterie légère, des unités de cavalerie ou d'archers. Ci-dessous légionnaire type du début du premier siècle:

Il est armé d'un lourd javelot (pilum), d'un glaive et d'un poignard. Son équipement de défense se compose d'un casque, d'une cote de maille faite de petits anneaux de fer et d'un bouclier de bois incurvé doté de renforts métalliques pour frapper l'adversaire au menton et ayant en son centre l'umbo, demi-sphère de fer servant à détourner flèches et javelots. Certains portaient une cuirasse à écailles, d'autres une cuirasse en métal à agrafes. Là aussi rien ne prouve que les armées romaines aient adoptés l'uniforme. Si le sagum (sorte de capote) et la lacerna (manteau à capuchon) se retrouvent chez tous les soldats, rien ne permet d'affirmer qu'ils aient été de la même coupe ni de la même couleur. Seul l'armement faisait l'objet d'une uniformisation.

Element de cote de maille (lorica hamata) et de cuirasse à écailles (lorica squamata), cuirasse en métal à agrafes:

Casque de cavalier:

 

L'armée romaine était remarquable pour son ordre dans la bataille et ses capacités de manoeuvres. Aprés la fin de l'empire cet ordre se perdra et les combats ressembleront de plus en plus à des chocs de hordes sauvages qu'à une action méthodique, l'art militaire consistant alors essentiellement à amener au moment choisi et à l'endroit voulu le maximum de troupes.


Moyen-age: Au cours de cette période et avec la féodalisation le rôle de l'infanterie diminue progressivement. Avec la chevalerie le combat à pied est en effet assez méprisé, même s'ils ont pu se montrer redoutables en maint occasions (ainsi les archers anglais décimant les chevaliers français à Azincourt, 1415). Cependant, peu à peu, l'idée d'utiliser des hommes à pieds en troupes renaît, notamment lorsque le morcellement des territoires diminua et qu'un même chef put réunir nettement plus de combattants, qu'il n'était d'ailleurs pas possible d'équiper tous en chevaliers.

Militaire au XI°, XII°, XIV° et XV° siècle: Plus l'armure devient complète, moins le bouclier est indispensable, jusqu'à sa disparition (il ne servira plus que de support au blason)

               

Armure à la française de Frédéric le Victorieux:

Armure à la française

Chevaliers en armures complètes lors d'un tournoi vers 1470:

Chevaliers lors d'un tournoi vers 1470

Les fantassins de l'époque sont armés de la pique, de l'arc ou de l'arbalère. 

Arbalète à tour (ou à moufle):

Arbalète à pied de biche:

Une bataille - miniature d'époque:

Vers la fin du moyen-âge, les premières armes à feux font leur apparition, non seulement les premières bombardes, mais aussi les premières armes portatives que sont les couleuvrines (sorte de canon à main). L'infanterie va prendre alors de plus en plus d'importance. 


Période moderne: Peu à peu l'arme du lâche va s'imposer, et la proportion d'arquebusiers ne fera qu'augmenter au détriment de celle des piquiers. En France il a fallu la défaite de Pavie, où François premier est fait prisonnier pour que l'infanterie française abandonne l'arbalète pour l'arquebuse. 

La première arme à feu portative digne de ce nom fut l'arquebuse à mèche. La charge de poudre était contenue dans un bassinet communiquant avec la charge de poudre et munie d'un couvercle. l'inflammation était produite par une charge allumée montée sur un serpentin, que le jeu d'un détente rabat sur le bassinet:

Presque à la même époque apparut l'arquebuse à rouet dans laquelle une roue cannelée mue par un ressort et frottant sur une pierre, produisait des étincelles. Ce mécanisme était fragile, difficile à réparer, et défectueux. Seule la cavalerie, qui ne pouvait utiliser le système à mèche, l'adopta:

Vers 1570 l'arquebuse fut remplacée par le mousquet (d'où le nom de mousquetaires), arme plus lourde, mais qui lançait une balle plus grosse à de plus longues distances. On tirait en appuyant l'arme sur une fourche fichée à terre.

Sous François premier les piquiers sont casqués et corsetés de fer, les mousquetaires armés d'arquebuses sont plus légèrement protégés et coiffés de feutre. On a 1/3 d'arquebusiers. Sous charles IX cette proportion est de moitié, sous Louis XIII elle est des deux tiers. 

C'est au début du XVII° siècle qu'est apparue la platine à silex. Le chien portant une pierre à feu s'abat, par le jeu d'un détente et l'intermédiaire d'une noix, sur une batterie recouvrant le bassinet et contenant la charge d'amorce. Le frottement de la pierre sur le bassinet crée les étincelles mettant le feu à la charge. Le principal inconvient de ce système était que la pierre était usée au bout de 30 coups environs, et qu'en cas de pluie prolongée le tir devient impossible.

Le régiment des fusiliers du roi fut le premier à recevoir le nouvel armement en 1670. Cependant le fusil à silex n'inspira pas totalement confiance au debut et les troupes de Louis XIV utilisèrent longtemps le mousquet-fusil utilisant les deux modes de mise à feu:

La cartouche fait son apparition sous le régne de Louis XIII (ci.1640), tandis que l'armure disparait pour ne laisser que le casque. Pour charger le soldat déchirait la cartouche avec ses dents du coté opposé à la balle, amorçait le bassinet avec la poudre, puis introduisait la cartouche dans le canon et l'enfonçait à l'aide de la baguette. 

C'est sous Louis XIII toujours que datent les premières ordonnances imposant un uniforme commun à la même arme. De fait ces ordonnances seront trés peu observées jusqu'au règne de Louis XIV, les régiments portant les couleurs de leur colonel. 

Sous Louis XIV l'infanterie finit par devenir l'arme prépondérante, l'invention de la baïonnette à douille supprimant enfin les piquiers pour des fantassins tous équipés de fusils à silex et de baïonnettes, ce qui uniformisa d'ailleurs la manoeuvre. Louvois réussit à imposer un uniforme commun et en fixe les détails. 

La nécessité d'une uniformisation de l'armement se fit jour au début du XVIII° siècle. Celle-ci fut obtenue avec la création de manufactures royales (Charleville, Maubeuge, Klingenthal, puis Saint-Etienne et Tulle) et l'établissement de tables de construction. Les normes fixées par les tables étaient toutefois trés larges et la construction artisanale ne permettait pas une rigoureuse uniformité. Le premier fusil à faire l'objet d'un réglement fût le modèle 1717, sous la régence, puis ce fut le modèle 1777, sous Louis XVI. Celui-ci fût fabriqué en masse et fit toutes les guerres de la révolution et de l'empire. 

Pistolet modèle 1777 - version an XII

Baïonnette du fusil modèle 1777:

Soldat républicain équipé du fusil modèle 1777:

Au XVIII° siècle c'est à Frédéric II, roi de Prusse, que revient le mérite de redécouvrir les méthodes militaires des romains, notamment la marche au pas, ainsi que la formation en lignes rigides au combat. L'emploi des feux est perfectionné. Cette méthode sera copiée partout au vu de ses bons résultats. Ainsi l'infanterie napoléonienne se formait théoriquement sur trois rangs, même si les formations adoptées dépendaient de la mission envisagée et du terrain.


L'infanterie au XIX° siècle: Au XIX° les formations de tirailleurs sont de plus en plus adoptées à cause des progrés de l'armement qui rendaient les formations denses trés dangereuses. Le fusil à percussion apparut en 1818, avec l'invention de la capsule fulminate.

En France c'est en 1840 seulement que disparait le vieux fusil à silex, remplacé par le fusil à percussions aprés des essais assez longs. On transforma en fait l'ancien armement, le calibre était le même, et comme le vent (flottement de la balle dans le canon) était assez fort la portée et la justesse était loin d'être satisfaisante. A cette époque en effet les balles n'étaient pas forcées dans le canon, ce qui augmentait la vitesse de chargement, même si on savait que les balles forcées conservaient beaucoup mieux leur justesse à des distance nettement plus grandes. 

Soldat de la monarchie de Juillet encore équipé d'un modèle à silex:

Shako d'un soldat du gènie de la monarchie de juillet:

Les canons rayés existaient depuis longtemps, dés le XV° siècle. Les premières rayures étaient rectilignes et n'avaient probablement pas d'autre but que de loger les résidus de poudre sans exagérer le vent autour de la balle. Le tracé en spirale fut adopté plus tard car il rendait plus facile l'opération de rayage, le canon tournant pendant que le foret avance. pendant trés longtemps on ne soupçonna pas le role que pouvaient avoir ces rayures jusqu'aux travaux du savant anglais Robins au début du XVIII° siècle.

Au XIX° on commença à prendre pleinement conscience du rôle des rayures. Le lieutenant Delvigne inventa en 1826 la chambre rétrécie, qui permettait d'introduire la balle librement dans le canon, puis de la forcer seulement quand elle était au fond pour lui faire prendre les rayures. La balle pénétrait toutefois quelque peu dans la chambre et y tassait la poudre. Le colonel Pontcharra supprima ce défaut en fixant un sabot en bois sous la balle, tout en l'entourant d'un calepin graissé pour éviter l'encrassement. On eut ainsi la carabine Delvigne-Pontcharra, dont furent armés les chasseurs de Vincennes seulement. 

A Vincennes toujours, Le Lieutenant-Colonel d'artillerie Thouvenin eut l'idée d'une carabine avec tige. Le lieutenant de chasseurs Minie eut l'idée d'utiliser des balles allongées dans cette carabine, tandis que le capitaine d'artillerie Tamisier munit la balle de cannelures prés du culot pour faciliter le forcement. La carabine à tige modèle 1846  avec balles allongées fut ainsi élaborée. 

Minie reconnut bientôt qu'une balle à culot évidé prenait fort bien les rayures en se dilatant simplement sous l'action des gaz brulés. On put alors supprimer la tige et les coups de baguettes, ainsi que les cannelures. En 1854 la garde reçut un fusil tirant la balle Minie évidée. En 1857 le canon de tous les anciens fusils lisses fut rayé et tirèrent la balle expansive Minie.

En 1841 les prussiens avaient adopté le fusil dreyse se chargeant par la culasse, ce qui est un progrés énorme. La France adopte elle aussi en 1866 le fusil chassepot se chargeant par la culasse. Tous deux tirent des cartouches en papier réputées totalement combustibles, et qui encrassaient beaucoup les fusils

Cartouches chassepot et culasse - notez l'aiguille de percussion:

Malgré tous ces progrés les vieux réglements (1791 et 1831) étaient encore en vigueur, alors qu'ils visaient plus à la manoeuvre sur place d'armes qu'au service opérationnels en campagne, et de fait les officiers agissaient à leur guise en fonction de leur expérience personnelle, comme ce fut le cas lors des guerres d'Italie et de Crimée. 

Aprés la guerre de 1870 un nouveau réglement est enfin rédigé, essayant de tirer les leçons du conflit. Puis vient la cartouche métallique, le fusil à répétition... La guerre moderne arrive!